« Les enjeux économiques de la rupture : Procès ou Médiation ? »
Introduction
Les clients qui nous consultent sont victimes d’un conflit et attendent de nous que nous les aidions à en en sortir dans les meilleures conditions. Dans la plupart des cas, les questions d’argent sont au cœur des conflits.
Qu’il nous consulte pour leur propre compte, à titre personnel ou professionnel, ou encore pour le compte de leur entreprise ou même d’un tiers, le client en conflit nous interroge systématiquement sur ses droits en termes financiers (exemples : droit à une pension alimentaire, droit à une prestation compensatoire, droit à être payé, droit à être indemnisé, droit à être remboursé, etc…).
Les questions économiques et financières sont plus particulièrement présentes lors de la rupture des relations car si « quand on aime on ne compte pas, quand on n’aime plus on compte doublement »[1].
Qu’elles soient familiales, personnelles ou professionnelles, les ruptures des relations entre deux ou plusieurs personnes engendrent bien souvent des conséquences financières qu’il nous est demandé de régler.
L’argent est donc au cœur des conflits et nos clients nous demandent de leur apporter une aide à leur résolution.
La défense des intérêts des clients en justice ne se fait plus uniquement devant les tribunaux et à côté des procédures judiciaires, se sont développés les M.A.R.D. (modes alternatifs des différends) dont fait partie la médiation et dont nous ne pouvons plus ignorer l’existence.
Dès lors, notre devoir de conseil nous impose désormais d’exposer à nos clients les différentes voies qui s’offrent à eux pour régler leurs conflits et même de les conseiller sur le choix de celles-ci.
Cet article est une présentation des différentes solutions qui s’offrent aux clients pour régler leurs différends économiques et financiers, qu’ils soient de nature personnelle, familiale ou professionnelle.
Après une présentation des différentes solutions envisageables pour parvenir à la résolution de des conflits des clients, ce « guide pratique » mettra en lumière ce qui nous semble être la voie royale à la résolution des conflits à savoir la médiation.
PREMIERE PARTIE – Inventaire des différentes solutions pour parvenir à la résolution des conflits économiques ou financiers
Plusieurs solutions s’offrent aux clients pour résoudre leurs conflits économiques ou financiers :
- Le procès ou la voie judiciaire (I.1)
- Les M.A.R.D. (modes de règlement amiables des différents) autres que la médiation (I.2)
- 1 – le procès ou la voie judiciaire
Une des solution envisageable à la résolution des conflits financiers des clients consiste en la saisine du tribunal. La voie judiciaire comprend différentes étapes :
- 1ère étape, la saisine du tribunal :
Le tribunal peut être saisi par voie de requête ou pas voie d’assignation. Cet acte de saisine du tribunal, est préalablement rédigé par l’avocat, après concertation avec son client.
Cette saisine nécessite la remise par le client de certaines pièces indispensables et nécessaires au soutien de ses demandes, à plus forte raison que la charge de la preuve incombe à la partie demanderesse (la partie qui est à l’initiative du procès).
L’objectif des pièces est de convaincre le juge du bien-fondé des prétentions financières.
Après la saisine du tribunal, il conviendra d’attendre le jour de l’audience.
- 2ème étape : Les délais de convocation à l’audience :
Les délais de convocation à l’audience sont assez lointains à cause d’une surcharge des dossiers à traiter par le tribunal.
A titre d’exemple, pour la fixation de la première audience en matière de divorce, il faut compter entre 3 à 8 mois.
Pour la fixation des mesures de garde des enfants et de pension alimentaire, il faut parfois attendre 12 mois avant de recevoir la convocation devant le Juge aux affaires familiales.
Les actions en partage de régime matrimoniaux et en sortie d’indivision s’étalent sur plusieurs années. Il en est de même en matière prud’hommale et commerciale.
Avant l’audience, chaque partie à le droit de prendre connaissance des arguments de fait, de droit et de preuve à partir desquels elle sera jugée, en vertu du principe du contradictoire. Les parties, via leur avocats sont amenées à échanger leurs arguments et pièces.
- 3e étape : le jour du procès – l’audience :
Le jour du procès, l’avocat, parfois assisté de son client se présente à l’audience, ainsi que l’avocat de « la partie adverse » avec ou sans son client, selon le type de procédure.
L’audience est susceptible de faire l’objet d’un renvoi à la demande de l’une des parties, suite à la communication de pièce tardive, saisine tardive de l’avocat par l’une des parties…
Ces demandes ne sont pas de droits et doivent être justifiées car allonge inévitablement le temps de procédure du dossier.
Le jour de l’audience, plus affaires sont présentées devant le juge, qui gérera le temps de l’audience en fonction du contenu du dossier, du temps de parole laisser aux avocats pour plaider.
Bien souvent, en matière de désaccords financiers, le juge ne laisse pas les avocats plaider longtemps estimant qu’il est capable d’analyser les pièces financières sans plaidoirie, ce qui est parfois très frustrant pour nos clients lesquels ne se sentent pas écoutés.
A la fin des plaidoiries des deux avocats, le juge peut donner la parole aux parties, afin de leur poser une question soit pour leur demander si elles souhaitent ajouter des éléments non développés par leur avocat. C’est une faculté qu’à le juge qu’il n’exécute pas systématique.
A l’issue de l’audience, le juge fixe la date à laquelle la décision sera rendue. Les délais sont de 15 jours à trois mois après l’audience et varient en fonction de la charge des dossiers à traiter par le juge.
En décidant de saisir le juge, nos clients s’exposent à la lenteur de la justice ainsi qu’à l’aléa judiciaire.
- 4e étape : la décision rendue par le juge
Le juge notifie sa décision aux avocats et parfois aux parties.
Sauf décision rendue en premier et dernier ressort, les décisions sont susceptibles d’appel. La plupart des décisions sont exécutoires (doivent être exécuter par les parties) et ce en dépit de l’appel d’une partie.
La décision du juge pose souvent des problèmes d’application lorsqu’elle n’est pas acceptée par les deux parties.
Pourquoi choisir la voie judiciaire, le procès ?
La voie judiciaire est souvent choisie par les clients à défaut d’accord amiable. Saisir le juge semble alors inévitable face à l’impossibilité de se comprendre et de s’entendre financièrement, le dialogue étant rompu.
A défaut d’entente, les clients transfèreront au juge la responsabilité de trancher leurs désaccords financiers .Le juge exercera sa mission, il tranchera les désaccords financiers mais il ne mettra pas un terme aux conflits.
Cependant, si le juge accorde une pension alimentaire, une prestation compensatoire, des dommages et intérêts, ce chiffre fixé demeure-t-il à la hauteur des attentes des clients?
En tout état de cause, ce chiffre ne mettra pas un terme au conflit, bien souvent la décision du juge exacerbera le conflit.
« Le procès ne résout le différend qu’en aggravant l’antagonisme entre les personnes »5.
De manière générale, la voie judiciaire est conseillée aux clients lorsqu’ils ne souhaitent pas tenter de dialoguer avec l’autre partie pour diverses raisons (manque d’envie, s’en sente incapable, partie qui est sous l’emprise de l’autre1).
De même, la voie judiciaire parait préférable lorsqu’aucun échange entre les parties n’est envisageable ou lorsque l’on sent qu’une des parties veut en « découdre » avec l’autre mais également en cas d’urgence ou d’atteintes à l’ordre public.
II.2- Les M.A.R.D (Modes alternatifs de règlement des différends) autres que la médiation
Les clients assistés de notre expertise peuvent aujourd’hui résoudre leurs conflits financiers sans recourir au juge.
En effet, lorsqu’ils se trouvent dans une situation de conflit financier, de nature civile, familiale ou commerciale, nos clients peuvent, avant de saisir le juge, tenter de recourir à un mode amiable de règlement des différends (M.A.R.D).
La législation actuelle exige d’ailleurs avant toute saisine judiciaire qu’il soit justifié d’une tentative de règlement amiable du différend.
Nous intervenons dans les différents modes de règlement amiable des différends qui seront exposés ci-après.
1) La négociation:
Avec l’aide de leurs avocats qui sont soumis au secret professionnel, les clients négocient leurs accords et s’ils y parviennent, concluent un protocole d’accord qui pourra ou non être soumis à l’homologation du juge.
2) Le droit collaboratif:
Le processus collaboratif consiste à prévoir aux termes d’un contrat, signé par les parties et leurs avocats formés au droit collaboratif, l’engagement de négocier en toute transparence et en toute bonne foi, avant toute saisine judiciaire, selon un procédé couvert par une confidentialité renforcée.
Chaque partie doit être assistée d’un avocat formé au droit collaboratif (voir rubrique sur notre site).
Si un accord est trouvé, une convention précisant les modalités de cet accord est signée par les parties mettant fin à leur litige. Cet accord peut faire l’objet d’une homologation par un juge.
Le processus collaboratif a de nombreux avantages, en plus de permettre une communication plus apaisée entre les parties.
Ce mode de résolution de conflit permet aux parties de mieux échanger entre elles, avec l’aide de leurs avocats, afin de parvenir à la négociation d’un accord global et équilibré.
« Lorsqu’on a déchargé le dossier de sa composante émotionnelle en la laissant s’exprimer,
on peut passer à la construction d’une solution qui sera forcément la meilleure et la plus
solide, puisque ce sont les clients qui, ensemble, vont la créer », explique Nathalie Tisseyre-
Boinet, avocate, spécialiste de la méthode collaborative 6.
Cette dernière estime d’ailleurs, à juste titre, que « Nous sommes en train de devenir des médecins du conflit ».
De plus, les parties ne sont ni soumises à la lenteur de la justice, ni à son caractère aléatoire.
Le principal inconvénient du processus collaboratif est qu’en cas d’échec, l’avocat devra se dessaisir du dossier et ne pourra pas représenter ni assister son client devant le tribunal.
3) La procédure participative
Cette procédure participative peut intervenir avant la saisine du tribunal ou en cours de procédure. Elle consiste, en la signature par les parties et leurs avocats, d’une convention par laquelle les parties s’engagent « à œuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend ou à la mise en état de leur litige » (Article 2062 du Code civil).
Assistées obligatoirement par un avocat qui agit en « chez d’orchestre », il s’agit de négociations entre les parties pour parvenir à un accord.
Dans le but de parvenir à un accord, les parties doivent négocier de bonne foi et respecter un calendrier de négociation, élaboré d’un commun accord.
Plusieurs possibilités sont envisageables par les parties à la suite de ces négociations sécurisés par l’analyse experte d’un avocat :
- Si un accord est trouvé, une convention précisant les modalités de cet accord sera signée par les parties mettant fin à leur litige. Cet accord pourra être homologué par le juge.
- Si l’accord n’est que partiel, le tribunal pourra homologuer les points d’accord et trancher les points de désaccord.
- En cas d’échec des négociations, la procédure judiciaire suivra son cours.
Le tribunal donne toujours la priorité aux dossiers se terminant par un accord total et/ou partiel. Les dossiers sont audiencés plus rapidement que les dossiers contentieux.
La prescription est suspendue tout au long de la procédure participative (Article 2238 du Code civil).
La procédure participative contrairement au droit collaboratif, permet aux avocats de continuer à défendre leurs clients en cas d’échec des négociations.
Les avantages de cette procédure sont multiples tel que la suspension de la prescription, la rapidité de la résolution du conflit, la suppression de l’aléa judiciaire…
Cette procédure participative ne s’applique cependant pas aux litiges liés aux contrats de travail ainsi qu’aux droits indisponibles tenant à l’état des personnes.
4) La conciliation
La conciliation est définie comme un « processus de résolution des litiges fondé sur la recherche d’un accord des parties menée par les parties seules ou avec l’aide d’un tiers appelé conciliateur. »[2].
Cette conciliation peut être mise en œuvre :
– par l’intermédiaire d’organismes ou de commissions à caractère professionnel (ex : dans le domaine de la banque, la consommation, l’assurance, les rapports locatifs etc..) ;
– par l’intermédiaire des avocats qui ont bien souvent pour mission la recherche d’un accord négocié ;
– par l’intermédiaire du juge qui désigne, devant certaines juridictions, un conciliateur de justice ou qui parfois concilie lui-même les parties.
La conciliation judiciaire est à distinguer de la médiation judiciaire dans la mesure où la médiation est plus « spécialisée ».
La conciliation judiciaire est gratuite et possible que devant certaines juridictions. Le conciliateur ne dispose d’une formation particulière et prononcera proposera de lui-même une solution (après une ou plusieurs rencontres avec les parties).
Les avantages de la conciliation sont :
- la confidentialité des échanges avec le conciliateur / en cas d’échec, le conciliateur n’établit pas un rapport au tribunal,
- la suspension de la prescription,
- la rapidité de résolution du différend,
- la gratuité.
L’inconvénient de la conciliation réside dans la proposition par le conciliateur d’une solution aux parties : si les parties ne sont pas à l’initiative de la solution, celle-ci risque de ne pas être complément acceptée, ce qui la distingue de la médiation.
4) La Médiation
4.1 – Définition de la médiation
La médiation se définit comme étant :
« Tout processus structuré, quel qu’en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par le juge saisi du litige » (Article 21 de la loi du 8 février 1995 modifié par l’ordonnance du 16 novembre 2011, article 1).
L’objectif de la médiation est de parvenir à un accord amiable par l’apaisement du conflit et la reprise du dialogue, à l’aide d’un tiers neutre, le médiateur.
Deux types de médiations sont possibles :
- La médiation conventionnelle à l’initiative des parties en dehors de toute intervention judiciaire et est définie aux termes de l’article 1530 du Code de procédure civile, issu du décret n°2012-66 du 20 janvier 2012 relatif à la résolution amiable des différends, comme : « un processus structuré par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord, en dehors de toute procédure judiciaire en vue de la résolution amiable de leurs différends avec l’aide d’un tiers choisi par elles qui accomplit sa mission avec impartialité, compétence et diligence ».
- La médiation judiciaire ordonnée par un juge avec l’accord des parties. L’article 21 de la loi du 8 février 1995 la définit comme : « tout processus structuré quelle qu’en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leur différends avec l’aide d’un tiers, le médiateur choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par le Juge saisi du litige ».
4.2 – A quel moment recourir à la médiation?
Le recours à une médiation conventionnelle, par les parties, particuliers ou entreprises peut se faire d’un commun accord à leur convenance, avant la saisine du juge, en cours de procédure ou après la saisine du juge.
Le recours à la médiation conventionnelle ne nécessite pas nécessairement la saisine du juge par la suite, a contrario, ce recours peut être formellement imposé aux parties par leur contrat, avant toute saisine du juge.
Si la médiation conventionnelle n’est pas voulue par les parties, la loi prévoit désormais que l’assignation doit contenir obligatoirement la possibilité de recourir à la médiation.
La médiation conventionnelle est organisée librement par les parties, elles choisissent d’un commun accord le médiateur, elles mettent en place avec le médiateur le nombre de séances nécessaire au bon déroulement de la médiation, elles peuvent convenir de la durée de la médiation. L’ensemble de ces points est ensuite consigné dans une convention de médiation.
Le recours à la médiation judiciaire, quant à elle, est proposée par le juge aux parties à tout stade de la procédure, en cours de procédure, avant l’audience des plaidoiries ou après la décision.
Cependant, nous constatons que la médiation a davantage de chance de prospérer et d’aboutir à un accord lorsqu’elle a lieu avant la décision rendue par le juge.
En effet, après la décision du juge, les parties ne parviennent pas à mettre de côté les termes de la décision et bien souvent l’une des parties se sent en position de force, le juge lui « ayant donné raison ».
Le juge ne peut pas imposer la médiation aux parties mais il peut délivrer une injonction aux parties de se rendre en médiation.
Le juge n’assiste pas à cette médiation et n’est pas informé du contenu de cette dernière qui assure la confidentialité des échanges.
Le juge sera uniquement informé par le médiateur de la réussite ou de l’échec de la médiation.
Par ailleurs, le médiateur étant neutre, il ne peut donner ni avis ni conseil au parties pendant les séances de médiation.
Les parties demeurent libre de mettre fin à tout moment à cette médiation.
4.3 – La durée d’une médiation
La médiation conventionnelle est organisée par les parties à leur convenance. La durée de la médiation est donc fixée d’un commun accord par les parties.
En principe, et de manière générale, une médiation conventionnelle dure entre 3 à 6 mois ; un accord peut également intervenir après la première séance.
La durée de la médiation judiciaire est fixée par le juge, en principe à 3 mois renouvelable une fois ; un accord peut également intervenir après la première séance.
4.4 – Le coût d’une médiation
En cas de médiation judiciaire, le juge fixe une somme forfaitaire à titre de rémunération du médiateur.
En cas de complexité du dossier nécessitant de nombreuses réunions, le médiateur peut solliciter du juge un complément de rémunération.
Les parties prennent en charge en principe par moitié le coût de cette médiation sauf accord contraire négocié entre elles.
Dans le cadre d’une médiation conventionnelle, le médiateur fixe librement sa rémunération en accord avec les parties.
Une convention de médiation est régularisée entre le médiateur et les parties prévoyant notamment le coût de la médiation.
4.5 – Le rôle de l’avocat dans le cadre d’une médiation
Le rôle de l’avocat en médiation est fondamental. En effet, l’avocat est le conseil de ses clients et il est leur interlocuteur privilégié pour déterminer avec lui si la médiation est ou non adaptée à son litige.
L’avocat peut donc conseiller ses clients sur le choix de ce processus amiable et leur expliquer l’intérêt qu’il a d’y avoir recours. Il peut également les conseiller sur le choix du médiateur.
L’avocat peut accompagner ses clients à la médiation et assister aux réunions de médiation.
L’avocat est soumis comme les parties à la confidentialité des échanges, il ne saurait se prévaloir d’un argument développé par l’une des parties dans le cadre de la médiation en cas d’échec de celle-ci.
L’avocat à la médiation tient un rôle primordial. Il informera et conseillera ses clients sur les aspects juridiques et techniques des accords financiers intervenus.
L’avocat peut également proposer des solutions, collaborer avec son confrère pour parvenir à une résolution apaisée et adaptée des conflits.
L’avocat pourra inviter ses clients à accepter ou à rejeter les conditions d’un accord négocié.
Il rédigera le protocole d’accord et pourra le soumettre en cas d’accord des parties au juge pour homologation.
DEUXIEME PARTIE – La médiation, voie royale à la résolution des conflits financiers ou économiques
Lorsque les enjeux sont financiers ou économiques, la médiation est le plus souvent la voie royale à la résolution des conflits.
La médiation présente, en effet, de nombreux avantages par rapport aux procédures judiciaires (II.1) des éléments favorables permettent la proposition optimale aux client d’une médiation (II.2)
Cependant, dans certaines situations, la médiation sera déconseillée, voir proscrite (II.3)
II.1 – Les avantages de la médiation par rapport aux procédures judiciaires
Le processus de médiation comprend de nombreux avantages dont le premier qui vise à rétablir le dialogue rompue entre les parties.
L’avocat a donc un rôle important qui est celui de restaurer ce dialogue, par le rétablissent d’une communication minimale et la médiation peut être particulièrement adaptée dans certains conflits.
Comme l’indiquaient Stephen BENSIMON & Me Hirbod DEHGHANI AZAR, « les médiations d’entreprise aboutissent à un accord dans plus de 75% des cas. Non parce que les médiateurs ou la médiation aurait des pouvoirs magiques ! … mais parce que rien ne vaut le dialogue direct, confidentiel et canalisé entre acteurs économiques intelligents, prudents, économes et responsables. »[3].
Ainsi, la médiation présente de nombreux avantages dont une liste non exhaustive sera dressée ci-après
- L’intervention d’un médiateur
La médiation suppose l’intervention d’un médiateur, personne (physique ou morale) formée à la médiation et soumise à différents principes de confidentialité, compétence, impartialité et indépendance.
En effet, la confidentialité est un principe essentiel et absolu. Selon Stephen BENSIMON, « Chacun est en effet conscient que personne ne s’exprimera librement, a fortiori, ne fera la moindre proposition ou concession s’il peut craindre que le médiateur ou une partie puissent retourner ensuite contre lui son imprudente naïveté »10.
En d’autres termes, tout ce qui est dit en médiation reste en médiation.
L’illustration de cette confidentialité comme contrepartie à la confiance donnée, Stephen Bensimon l’évoque en qualifiant le médiateur « d’éveilleur de la parole, mais aussi un gardien du silence. »
Les parties peuvent être tenues de respecter ce principe de confidentialité par la signature d’un engagement de confidentialité.
Le médiateur est une personne qualifiée ayant le plus souvent suivi une formation à la pratique de la médiation ou pouvant justifier d’une expérience adaptée.
Le médiateur est impartial, ce qui signifie qu’il ne prend pas partie ni pour une partie ni pour l’autre et donc ne juge pas contrairement au juge amené à trancher le litige.
Enfin, le médiateur est indépendant et n’a aucun lien de près ou de loin avec l’une ou l’autre des parties susceptibles d’altérer sa capacité à être neutre ou impartial.
2) La médiation est un processus structuré
Le médiateur va poser le cadre de son intervention.
Dans un premier temps, il peut être amené à proposer un entretien individuel avec chacune des parties. A travers ce premier entretien, le médiateur informe les parties sur le déroulement de la médiation (durée, coût, principe de confidentialité …). Cet entretien individuel peut se tenir en présence des parties ou par téléphone.
Dans un second temps, le médiateur reçoit l’ensemble des parties ; on parle de réunion plénière.
Avec l’accord des parties, les réunions plénières peuvent être ouvertes à d’autres personnes (ex : avocats, sachant, notaire, tiers concerné ou utile etc..).
Le nombre de réunions dépend de l’intensité du conflit. Une seule réunion peut suffire à résoudre le conflit.
Concernant le déroulement même de la médiation, le médiateur structure la réunion en 4 étapes :
- La première étape consiste à inviter les parties à clarifier la situation et à exposer les faits : le médiateur écoute les parties et reformule leur présentation de la situation, cette reformulation permet de clarifier la situation.
- Lors de la deuxième étape, le médiateur invite les parties à comprendre comment elles en sont arrivées à ce conflit : cette deuxième étape est souvent source d’émotion, de colère et de vifs échanges. L’expression des émotions est nécessaire à la résolution du conflit. Elle permet de passer à une autre étape, à savoir connaitre les besoins de chacune des parties pour trouver des solutions.
- Lors de la troisième étape, le médiateur aide les parties à écouter les besoins de chacune d’elle et à imaginer des solutions communes respectant les intérêts de chacun. L’écoute des besoins de chacun permet la reprise du dialogue et met un terme à une situation de blocage.
- La quatrième étape permet de concrétiser les solutions. Les parties parviennent à trouver une solution adaptée à leur conflit car ils ont identifié les besoins de chacun.
3) La médiation est consensuelle
Les parties sont libres d’entrer en médiation, le médiateur s’assurant de la volonté de chacune des parties d’entrer en médiation.
Les elles parties sont également libres d’en sortir.
En effet, à tout moment, il pourra être mis fin à la médiation, à la demande de l’une ou l’autre des parties et même du médiateur.
4) La médiation permet d’identifier les besoins de nos clients
Tout conflit est l’expression d’un ou plusieurs besoin(s) insatisfait(s).
Les conflits économiques et financiers reposent souvent sur la méconnaissance de la situation de l’autre ou des autres partie(s), la communication étant le plus souvent rompue ou altérée.
Lorsque le conflit est de nature économique ou financière, le médiateur va être amené à parler d’argent.
Mais bien souvent les conflits financiers cachent d’autres besoins : l’argent, « c’est l’arbre qui cache la forêt. »
Les parties, grâce à l’intervention du médiateur, vont s’écouter mutuellement.
L’écoute empathique et sincère va permettre aux parties de prendre conscience de leurs besoins respectifs : pour l’une il pourra s’agir d’un besoin de reconnaissance ou de sécurité et pour l’autre d’un besoin de liberté ou d’équité.
En s’écoutant, les parties prennent conscience de leurs besoins respectifs.
Cette prise de conscience va faire miroir à ses propres besoins et sera bénéfique à l’autre.
Ce cercle vertueux va souvent permettre aux parties de se comprendre, de restaurer le lien et de renouer le dialogue
En matière de conflits financiers, il arrive souvent que celui qui est débiteur d’une somme d’argent fasse preuve de beaucoup plus de générosité lorsqu’il aura pu identifier les besoins de son créancier. Dans le même sens, le créancier sera moins exigeant et renoncera parfois même à sa créance lorsqu’il aura identifié les besoins de son débiteur.
5) La médiation peut se dérouler dans un délai raisonnable et permet la maitrise des coûts
L’argument premier qui plaide pour la médiation est qu’elle permet une issue plus rapide que la solution judiciaire.
La vie judiciaire est émaillée d’étapes qui s’apparentent souvent à une piste d’obstacles qui s’étend généralement sur de nombreuses années, alors que la médiation permet de régler un conflit en un temps beaucoup plus court.
En ce qui concerne le coût, la médiation, qui n’est pas échappe à la lenteur de la justice et aux frais que cela occasionne. La médiation se révèle plus abordable puisqu’une convention d’honoraires si elle est conventionnelle est établie. En cas de médiation judiciaire, le coût de la procédure est fixé par le Juge dans sa décision.
6) La médiation permet à nos clients de sortir de la spirale infernale du conflit et de trouver eux-mêmes la solution à leur conflit avec l’aide du médiateur et des avocats
La médiation permet de résoudre l’ensemble du conflit et pas seulement le litige car tant que le conflit n’est pas réglé dans son ensemble, nos clients s’exposent à une série de litiges incessants qui, avec le temps, risque de monter « crescendo ».
La médiation permet donc de sortir de la spirale infernale du conflit, et d’accéder pour les parties à une situation «gagnant – gagnant » alors que dans le cadre d’un procès, il y a un gagnant et un perdant.
Plus qu’une solution adaptée à leurs propres intérêts et besoins, les parties s’accorde sur une solution mutuellement trouvée, qui leur sera plus facilement acceptable, en plus de leur faire éviter l’aléa judiciaire.
7) La médiation permet aux parties de parvenir à des accords que le juge n’aurait pas été en mesure de trancher
Les parties ont la possibilité de mettre en place des solutions sur mesure, adaptées aux particularités de leur situation.
Cet aspect créatif que permet la médiation n’est pas envisageable pour un juge qui doit trancher un litige.
Certains juges avouent ne pas être entièrement satisfaits des décisions rendues car ils sont bien conscients que leur décision ne mettra pas un terme définitif au conflit qui leur a été soumis.
La décision du juge fait fi des détails, alors que les accords issus d’une médiation s’attachent aux particularismes de chaque situation, chaque demande.
Apporter une attention particulière à chaque détail c’est pérenniser les relations futures des parties raison pour laquelle tout doit être dit, évoqué et solutionné en médiation.
Les parties sont entièrement libres de trouver leur solution adaptée à leur situation, sous réserve du respect de l’ordre public.
8) Le succès des accords en médiation
Lorsque les parties ont décidé de recourir à la médiation, le taux de réussite est de l’ordre de 70 à 80% !
Les accords sont exécutés dans plus de 90% des cas.
- 2 – Les éléments favorables à la médiation
Différents éléments peuvent être pris en compte pour proposer une médiation à nos clients, tels que :
- la solution juridique serait inéquitable ou emporterait des conséquences démesurées pour l’une des parties ;
- l’existence de procédures en cours qui s’éternisent ;
- des concessions réciproques qui seraient envisageables ;
- lorsque le conflit repose sur un malentendu et que des explications restent souhaitables;
- les parties sont amenées à se côtoyer ou à rester en contact (voisins, famille, associés, collègues, copropriété, indivision etc…)
- en matière commerciale, lorsque les parties ont intérêt à reprendre des relations commerciales continues ou lorsqu’ils envisagent une cession de l’entreprise dans des conditions saines ;
III.3 – Les limites de la médiation
La réussite d’une médiation dépend de la réelle volonté des parties à s’engager dans un processus de reprise du dialogue.
La médiation n’aboutira pas si l’une des parties est de mauvaise foi et manque de transparence, voire de loyauté.
Dès lors, certaines parties préfèreront s’en remettre à la décision du juge se sentant incapables de reprendre le dialogue avec l’autre.
La médiation est à proscrire en cas de violences et/ou d’emprises financières, d’addiction invétérée, voire de manipulation psychologique de l’une des parties. (ex : alcoolique, drogué, psychotique, pervers narcissique…)
D’ailleurs, en matière familiale, la médiation est interdite si des violences sont alléguées par l’un des époux sur l’autre époux ou sur l’enfant, ou en cas d’emprise manifeste de l’un des époux sur son conjoint.
De même, lorsque l’une des parties souhaite en découdre avec l’autre, la médiation ne sera pas adaptée.
Enfin, nos clients ne pourront avoir recours à la médiation lorsqu’une solution juridique s’impose en raison d’une question de principe ou lorsque l’ordre public s’y oppose en raison de l’indisponibilité des droits en cause. (Ex : en matière de filiation, en matière pénale …).
[1] 1 Prieur N. (2009), Petits règlements de comptes en famille, Paris : Albin Michel.
[2] ensimon S., Bourry d’Antin M., Pluyette G. (2018), Art et techniques de la médiation, 2ème édition, Paris : Lexis Nexis.
[3] Extrait du 1er module de la première partie du Diplôme Universitaire de Médiateur, IFOMENE ICP.